Compte-rendu du séminaire sur la méthodologie de la recherche en droit international
Le 21 novembre 2025 s’est tenu le premier séminaire méthodologique organisé par l’équipe de recherche de la Mondialisation sous tension (MST) au cours de l’année 2025-2026. La séance a été animée par Monsieur Nouwagnon Olivier Afogo, candidat au doctorat en droit à l’Université de Montréal et à l’Université Jean Moulin Lyon 3. L’objectif consistait à présenter les fondements et les exigences de la méthodologie applicable à la recherche en droit international public.
L’exposé de M. Afogo s’est articulé autour de quatre axes principaux : les éléments qui justifient une méthodologie spécifique au droit international public (I), le repérage systématique des sources formelles du droit international public comme démarche obligatoire attendue généralement du chercheur (II), la démarche spécifique attendue du chercheur en fonction de l’objet de sa recherche (III), le recours à l’herméneutique pour remédier aux ambiguïtés d’une norme (IV).
I.- La justification d’une méthodologie de recherche en droit international public
M. Afogo a débuté son intervention par la présentation des facteurs qui justifient l’existence d’une méthode de recherche proprement adaptée au champ du droit international public. Il s’est appuyé, pour ce faire, sur les valeurs épistémiques de cette discipline juridique sui generis qui dispose de son propre objet, des sources propres qui l’alimentent ainsi que de ses propres acteurs (Etats, organisations internationales, individus) destinataires de ses normes. Cette singularité de cette branche du droit appelle une méthodologie spécialement adaptée à sa rationalité et capable de répondre adéquatement aux problématiques qui prennent naissance dans le cadre des interactions entre ces acteurs sur la scène internationale.
II.- La démarche attendue du chercheur : le repérage systématique des sources formelles du droit
Le présentateur a rappelé la démarche obligatoire que tout chercheur en droit international public doit emprunter, indépendamment de son objet et de ses objectifs de recherche. Il s’agit de la méthode de repérage systématique des sources formelles du droit international dont l’essence réside dans l’article 38 (1) du statut de la Cour Internationale de Justice. La finalité d’un tel repérage est de permettre au chercheur de bien cadrer et de situer son objet à l’intérieur du domaine dans lequel il conduit ses réflexions.
Au regard de cet article 38 (1), ces sources formelles, qui ont été bien explicitées par l’animateur, comprennent entre autres : les conventions et la coutume internationales, les principes généraux de droit, les décisions judiciaires et la doctrine. Néanmoins le matériau dont dispose le chercheur en droit international n’est pas limité à ces dernières, dans la mesure où d’autres normes non listées dans l’article sus-mentionné, telles que les règles du jus cogens et les actes unilatéraux des organisations internationales, alimentent aussi le raisonnement en droit international.
III.- La démarche attendue du chercheur en fonction de l’objet et des objectifs de la recherche.
L’animateur a expliqué, à ce stade, les postulats théoriques qui sont susceptibles de permettre au chercheur d’affiner sa voie méthodologique, après l’exploration faite à la phase préalable et obligatoire du repérage systématique des sources formelles. Dans cette perspective, ont été présentées les différentes écoles de pensée ou les visions du droit international auxquelles peut se rattacher tout chercheur internationaliste.
D’abord, le courant du volontarisme juridique s’oppose au paradigme de l’objectivisme juridique. Pour le premier, le droit international est le produit de la volonté souveraine des Etats ; ce qui limite les chercheurs qui en relèvent à l’exploration des seules sources résultant de la volonté exprimée des Etats, notamment le droit conventionnel. L’objectivisme fonde le droit international non seulement sur le critère volontariste, mais aussi sur les exigences de nécessités sociales qui conditionnent l’évolution ou le développement des normes.
Ensuite, en lien étroit avec ces deux écoles, il a présenté la dichotomie existant entre approche formaliste et approche critique, fondée sur l’attachement ou non du chercheur au respect des formalités dans la production des normes internationales. Suivant qu’il est plus formaliste que critique, le chercheur aura tendance à être plus attaché au droit conventionnel ainsi qu’à la pratique qui en résulte, et sera subséquemment plus volontariste qu’objectiviste. Le juriste critique, lui, voudra en tout temps articuler le phénomène juridique avec des considérations sociologiques, philosophiques ou autres.
Enfin, dans le monde de la recherche en droit international, un courant idéaliste s’oppose à une pensée réaliste. Le premier s’inscrit dans la perspective optimiste d’un monde idéal ancré dans des considérations humanistes, alors que la seconde prend en compte les facteurs externes, tels que les rapports de force, qui influent sur la matière.
IV.- L’herméneutique comme méthode pour éclaircir les ambiguïtés d’une norme.
Pour conclure le séminaire, M. Afogo a souligné l’importance de l’interprétation en droit international. Il a en effet expliqué que cette méthode est couramment utilisée, notamment par les juges, en vue de clarifier les zones grises du droit. Cependant, il a insisté sur le fait que la démarche interprétative est une activité qui a ses codes et qui est bien encadrée par la Convention de Vienne sur le droit des traités, en ses articles 31 à 33. Le contenu et les orientations données par ces dispositions doivent guider le travail d’interprétation du chercheur, même si elles accusent, pour certaines, quelques imprécisions.
L’ensemble du séminaire a été illustré par des exemples tirés des décisions judiciaires, des conventions et d’autres matériaux juridiques, renforçant sa dimension concrète et pédagogique.
Commentaires du rédacteur.
Ce séminaire a revêtu une importance capitale, en particulier pour les membres étudiants de la MST, soucieux de renforcer leurs compétences méthodologiques. Dans un environnement pluridisciplinaire comme la MST, il a aussi permis aussi aux collègues d’autres cultures disciplinaires de connaitre d’abord et de s’ouvrir ensuite à une méthode de production de connaissances spécifique à un domaine du droit. Une ouverture qui, on le souhaite, peut offrir des perspectives prometteuses de recherche interdisciplinaire.
Pour les juristes internationalistes, ce séminaire fut une occasion privilégiée de consolider leurs bases méthodologiques ou de découvrir de nouveaux outils d’analyse susceptibles d’enrichir la cohérence de leurs travaux et leur réflexivité. Un exercice à renouveler sans hésitation !